Charte de l'agriculture paysanne

Charte de l'agriculture paysanne
Répartition
Autonomie
Qualité des produits
Transmissibilité
Travail avec la nature
Développement local
Pour une autre agriculture
Produire - Employer - Préserver
Préambule
�� EN 1957, LE TRAITE DE ROME instaure la politique agricole commune, dont l'objectif premier est l'accroissement de la productivité de l'agriculture, afin que l'Union Européenne, jusqu'alors déficitaire, atteigne l'autosuffisance alimentaire.
�� PENDANT LES ANNEES DITES DES "TRENTE GLORIEUSES", l'agriculture française s'engage donc dans une course à la productivité et aux rendements, le développement agricole reposant sur l'investissement dans les outils de production, l'utilisation croissante d'intrants et les progrès de la génétique. L'agriculture bénéficie d'autre part d'un soutien financier, puisque la politique agricole instaure des prix garantis quelles que soient les quantités produites.
�� DES LE MILIEU DES ANNEES 70, la France devient exportatrice. L'agriculture sera considérée tantôt comme "le pétrole vert", tantôt comme "la force de frappe verte" de l'économie nationale. Pour les consommateurs, la forte augmentation de la productivité en agriculture a permis de baisser en francs constants les prix à la production, et par voie de conséquence les prix à la consommation.
�� CEPENDANT, l'impératif économique à court terme nuit au développement de l'emploi et du rôle des paysans dans la société. L'exode rural a privé le territoire d’un grand nombre de paysans. Entre 1980 et 1989, l'Europe a perdu presque trois millions d'actifs agricoles. Les disparités entre paysans et entre régions sont fortes : en France, 80 % de la production est assurée par 20 % des agriculteurs. Le bilan écologique est également très lourd. Depuis les années 80, l'actualité nous rappelle que l'eau et les sols sont des ressources précieuses dont la qualité est mise en péril par des techniques de culture intensives et par l'utilisation excessive des intrants chimiques et des effluents d'élevage.
�� ENFIN, SUR UN PLAN MONDIAL, les excédents agricoles déversés sur les marchés mondiaux par des politiques de dumping déstabilisent les cultures vivrières et l'économie de nombreuses régions agricoles. Huit cent cinquante millions de personnes souffrent de sous-nutrition.
Plus que jamais, il convient de repenser les fonctions et la place de l'agriculture dans la société. Il faut redonner aux actifs agricoles leur rôle social, économique et écologique, afin de considérer la production agricole dans sa globalité. L'agriculture paysanne a l'ambition de répondre à cet objectif.
Trois dimensions :
Qu’est-ce que la charte de l’agriculture paysanne ?
sociale
économique
environnementale
Un document à destination des décideurs et des acteurs du développement agricole afin de :
• analyser les systèmes de production,
• mettre en évidence les éléments du cadre politique qui influent sur les modes de production et faire des propositions pour mettre en place l'agriculture paysanne (CTE, éco ou socio conditionnalité...),
• définir des pistes d'évolution et de démarche pour les agriculteurs.
Une définition :une agriculture productrice de biens marchands et non marchands dans l'intérêt de la société.
Dix principes : les repères politiques fondamentaux qui doivent orienter lesdécisions politiques ainsi que les pratiques sur le terrain.
- ce qui dépend du cadre politique, qu'il faut faire évoluer afin de mettre en place l'agriculture paysanne,
- ce qui dépend de la démarche des agriculteurs, ce qu'ils peuvent modifier par leurs pratiques.
Une grille d’analyse sociale, économique et environnementale des exploitations agricoles, qui permet de visualiser :
Pour inscrire l'agriculture dans le développement durable
Les dix principes de l'agriculture paysanne
Principe n° 1 : répartir les volumes de production afin de permettre au plus grand nombre d'accéder au métier et d'en vivre.
Principe n° 2 : être solidaire des paysans des autres régions d'Europe et du monde.
Principe n° 3 : respecter la nature.
Principe n° 4 : valoriser les ressources abondantes et économiser les ressources rares.
Principe n° 5 : rechercher la transparence dans les actes d'achat, de production, de transformation et de vente des produits agricoles.
Principe n° 6 : assurer la bonne qualité gustative et sanitaire des produits.
Principe n° 7 : viser le maximum d'autonomie dans le fonctionnement des exploitations.
Principe n° 8 : rechercher les partenariats avec d'autres acteurs du monde rural.
Principe n° 9 : maintenir la diversité des populations animales élevées et des variétés végétalescultivées.
Principe n° 10 : raisonner toujours à long terme et de manière globale.
Pour inscrire l'agriculture dans le développement durable
Une approche globale des systèmes agricoles
Répartition
Transmissibilité
Autonomie
Qualité des produits
Travail avec la nature
Développement local
Six thèmes qui permettent l’analyse globale à la fois des dimensions sociale, économique et environnementale.
Pour chaque critère, des indicateurs qualitatifs ou quantitatifs qui permettent le diagnostic.
Pour chaque thème, des critères d’analyse.
Pour chaque indicateur une échelle d'évaluation, traduite en points, qui permet :
- de fixer des seuils de définition du cadre politique (niveau de primes, éco-conditionnalité, socio-conditionnalité),
- de guider l'évaluation de la démarche.
Pour inscrire l'agriculture dans le développement durable
Six thèmes pour une approche globale
La répartition des volumes de production
Il s’agit de répartir les volumes de production afin de permettre au plus grand nombre d’accéder au marché.
La répartition nécessite d’orienter de façon volontariste les droits à produire et les droits à primes qui se libèrent vers les paysans dont le droit à produire ne permet pas de dégager un revenu suffisant.
La répartition des volumes de production doit être couplée à la maîtrise des quantités produites, afin de garantir des prix.
Un cadre politique qui favorise la répartition
Des systèmes "prix - primes" qui garantissent le revenu pour un volume de production donné, et freinent la concentration.
Une politique au service de l'emploien agriculture plutôt que le soutien à la capitalisation permanente qui engendre une augmentation des tailles d'ateliers et une restructuration permanente, présentées comme une nécessité pour pouvoir rémunérer le capital.
Une limitation des tailles d'ateliers.
La recherche de systèmes de production plus autonomes, qui privilégient la rémunération du travail. Il s’agit d’augmenter le revenu dégagé à l’unité produite, par la diminution des charges, par une gestion économe en intrants et la recherche de partenariatspour économiser les charges de structure.
Une démarche à entreprendre par le paysan
Pour inscrire l'agriculture dans le développement durable
Six thèmes pour une approche globale
La qualité des produits
La fonction première de l’agriculture est la production de denrées alimentaires en quantité et qualité suffisantes. Cette qualité est à la fois gustative, sanitaire et bactériologique.
La qualité des produits dépend avant tout des méthodes de production et des moyens de production mis en oeuvre sur l’exploitation et sur l’ensemble de la filière de transformation.
La qualité des produits doit être identifiable et reconnue. Cela assure le respect du consommateur et la reconnaissance du producteur.
Un cadre politique et local qui privilégie la qualité
Une politique des labels et des certifications, qui définisse les niveaux d’exigence en terme de traçabilité, de transparence, et de méthodes de production. Attention, la traçabilité ne signifie pas la qualité des méthodes de production : elle ne la rend que transparente.
La mise en place d'une éco-conditionnalité pour les aides compensatoires.
Une démarche à entreprendre par le paysan
Le choix d’appliquer la transparence vis-à-vis du citoyen, c’est-à-dire d’ouvrir au public les lieux de production.
Le choix de valoriser, quand cela est possible, ses produits via des signes de qualité reconnus officiellement.
Le choix de systèmes de production autonomes, respectueux de l’environnement, peu intensifs.
Le choix de respecter le bien-être animal et les cycles naturels.
Pour inscrire l'agriculture dans le développement durable
Six thèmes pour une approche globale
L'autonomie
L’autonomie est à la fois :
- la capacité d’être maître de ses choix techniques, économiques, financiers,
- la possibilité d’exercer cette capacité.
L’autonomie repose sur le partenariat, c’est-à-dire la complémentarité entre les acteurs locaux.
Il s’agit de valoriser les ressources humaines et techniques présentes localement.
Un cadre politique qui permette l'autonomie
Un système de primes qui garantisse le revenudes producteurs, l’évolution des structures agricoles, et oriente les systèmes de production vers l'agriculture paysanne.
Une maîtrise des productions afin de garantir les prix agricoles, donc le revenu des paysans.
L’autonomie économique : la capacité de dégager un revenuen maîtrisant les charges.
L’autonomie de décision : la capacité de faire des choix afin de ne pas être dépendant d’un modèle technique, et de tout ce que cela entraine comme contraintes.
Une démarche à entreprendre par le paysan
L’autonomie technique : la capacitéde maîtriser sa dépendance vis-à-vis de l’amont et de l’aval des filières.
Pour inscrire l'agriculture dans le développement durable
Six thèmes pour une approche globale
Le développement local
L’agriculture n’est pas un secteur à part des autres activités humaines.
Etre paysan, ce n’est pas seulement avoir une fonction économique (production de biens et services marchands ou non marchands), ou environnementale, c’est aussi être un acteur social.
L’agriculture participe pleinement au développement local d’une région. Les paysans y contribuent par leurs actes économiques, leurs rapports avec les autres acteurs de la société.
Un cadre politique en faveur du développement local
Une politique d’aménagement du territoire, qui oriente le développement des activités sur un territoire, donc conditionne leur développement social et économique.
L’implication dans la vie locale, sociale, politique. Etre citoyen, c’est une autre façon d’être paysan.
Une démarche à entreprendre par le paysan
Des collectivités territoriales, qui incitent à des projets collectifs de développement.
Une politique des structures, qui favorise la répartition des droits à produire.
Le choix de formes de production et / ou de commercialisation qui impliquent plusieurs partenaires.
Le choix de valoriser le patrimoine local, de coupler l’activité agricole à une activité d’accueil ou de réinsertion.
Le choix de créer de l’emploi sur sa ferme et de privilégier le territoire local dans ses tâches économiques.
Pour inscrire l'agriculture dans le développement durable
Six thèmes pour une approche globale
Le travail avec la nature
Afin de permettre aux générations futures de répondre à leurs propres besoins, la préservation des ressources naturelles, du patrimoine et de l’environnement est une priorité que les systèmes agricoles doivent prendre en compte.
Il s’agit de promouvoir des systèmes de production plus autonomes, valorisant les ressources locales et adaptés au contexte pédo-climatique.
La désintensification plutôt que l’extensification assurent préservation des ressources et maintien des actifs agricoles.
Un cadre politique qui préserve la nature
Une politique d’éco-conditionnalitédéfinie au niveau européen, qui définisse des seuils, des niveaux de chargement, minimums ou maximums.
Des aides compensatrices qui doivent favoriser certains systèmes plus que d’autres (exemple de l'herbe par rapport au maïs).
Une démarche à entreprendre par le paysan
Le choix de privilégier les systèmes autonomes, utilisant les complémentaritésentre productions végétales et animales, soit au niveau de la ferme soit entre les fermes.
Le choix de diversifier dès que possible ses productions afin d’assurer une biodiversité tant naturelle que domestique.
Le choix de techniques économes en intrants, en eau, basées sur l’observation agronomique et non sur l'utilisation de traitements systématiques.
Le choix de valoriser les espaces naturels.
Pour inscrire l'agriculture dans le développement durable
Six thèmes pour une approche globale
La transmissibilité
La transmissibilité d’une ferme est sa capacité à être reprise et à dégager du revenu.
La transmissibilité est un facteur déterminant du maintien d’un nombre important de paysans sur l’ensemble du territoire.
Un cadre politique, local, qui permette la transmissibilité
Une politique des structures qui donne la sécurité vis-à-vis du foncier, assure les conditions de reprise des fermes.
Des partenariats existant localement et une qualité des servicesqui favorisent la vivabilité autour de la ferme.
Une démarche à entreprendre par le paysan
Le choix de systèmes de production autonomes, adaptables, qui assurent une viabilité économique et une sécurité vis-à-vis des débouchés.
Le choix d’outils de production raisonnablement capitalisés.
Le choix de systèmes de production assurant des conditions de travail satisfaisantes dans la ferme.
Pour inscrire l'agriculture dans le développement durable
L'agriculture paysanne porte en elle trois dimensions fondamentales
�� Elle a une dimension sociale basée sur l'emploi, la solidarité entre paysans, entre régions, entre paysans du monde.
�� Elle doit être économiquement efficace. Elle doit créer de la valeur ajoutée, par rapport aux moyens de production mis en oeuvre et aux volumes produits.
�� Elle doit respecter les consommateurs et la nature.
L'agriculture paysanne doit permettre à un maximum de paysans répartis sur tout le territoire de vivre décemment de leur métier en produisant sur une exploitation à taille humaine une alimentation saine et de qualité, sans remettre en cause les ressources naturelles de demain. Elle doit participer avec les citoyens à rendre le milieu rural vivant dans un cadre de vie apprécié par tous.
La Fadear est une association loi 1901, créée à l'initiative de paysans défendant une agriculture plus respectueuse des paysans, des attentes de la société et de l'environnement. Ces paysans se retrouvent depuis 1987 au sein de la Confédération Paysanne pour défendre cette agriculture dite "paysanne". La Fadear est ainsi l'association de formation et de développement de la Confédération paysanne.
FADEAR
Fédération Associative pour le Développement de l'Emploi Agricole et Rural
104 rue Robespierre - 93 170 Bagnolet
Tél. : 01 43 63 91 91 - Fax : 01 43 63 80 00
Email : fadear@globenet.org
Confédération Paysanne
81 avenue de la République - 93 170 Bagnolet
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